Atelier de formation CIPAST, Naples, 18 juin 2007
Sara Heesterbeek, Rathenau Institute, Pays-Bas
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Cette présentation traite de quelques principes de base concernant la conception, l’organisation et la diffusion des activités de participation publique comme les délibérations de citoyens, les ateliers et les conférences de citoyens.
Sara Heesterbeek a travaillé durant plus de six ans au Rathenau Institute, l’institut parlementaire néerlandais d’évaluation des technologies, installé à La Haye. Elle a participé à l’organisation de trois conférences de citoyens (sur la transplantation d’organes, les sports d’élite, les technologies (géniques) et sciences du cerveau) et de trois festivals de la technologie (sur l’infertilité et la reproduction assistée, l’amélioration des humains, les sciences du cerveau). Elle travaille aujourd’hui comme conseillère indépendante et organisatrice d’activités de participation du public. Pour la joindre: s.heesterbeek@rathenau.nl.
Généralités
Les principes en action:
- Responsabilisation des participants
- La gestion des attentes
- Equity and fairness of deliberation
- Représentativité
- Pertinence
- Problèmes
- Solutions possibles
- Qu’y a-t-il à apprendre?
Ce sont quatre principes importants. On peut en ajouter d’autres, mais nous les aborderons sans doute plus tard pendant la discussion.
Responsabilisation des participants
- Pertinence : les découvertes scientifiques, les évolutions et la technologie affectent notre vie de tous les jours
- Nécessite :
- des compétences, des opinions, des décisions, des actions,
- qui fixe l’agenda, cadre les problèmes, etc.?
- Condition:
- Permettre l’accès à des informations pertinentes, aux experts, à la bibliographie, etc. (qui les choisit ?)
Afin de démocratiser la pratique scientifique et le développement technique, il est important de sensibiliser les gens aux sciences et techniques, de les faire anticiper sur les évolutions et sentir les futurs possibles, pour qu’ils se forgent une opinion informée sur ces évolutions qui auront un impact sur eux et/ou sur d’autres personnes. C’est difficile pour les technologies encore inexistantes, ou les technologies quasi invisibles, celles encore en cours d’étude, ou encore les technologies incontestées. Cependant, dans cette phase, il est possible de discuter de différentes façons de toutes ces évolutions.
Il existe plusieurs interprétations quant à savoir ce que la participation requiert exactement : simplement permettre aux citoyens d’exprimer leur opinion sur les sciences et techniques, ou bien aller jusqu’à intégrer les résultats dans le processus décisionnel. Pour habiliter au mieux les participants, il est important que le processus de participation soit le plus possible « leur propriété ». Pour y parvenir, il est essentiel de proposer des informations neutres et de qualité.
(1) Problèmes
- Citoyens
- tensions entre autonomie de l’individu et du groupe
- Experts
- fossé de connaissances (toute réponse convient)
- cadres incompatibles
- Donner la parole est super, mais qui va écouter ?
- Organisation
- viser des résultats « acceptés »
- Travailler avec un groupe de personnes ne va pas sans quelques problèmes. L’autonomie du groupe peut entrer en conflit avec celle de l’individu. C’est particulièrement visible quand on essaie de trouver un consensus
- La relation entre experts, mais aussi avec des profanes, peut s’avérer difficile. Certains experts ne savent pas communiquer – de manière générale ou avec les participants, ou encore entre eux. Ils peuvent travailler avec des cadres incompatibles, utiliser un vocabulaire différent ou inconnu, ou mal exploiter leurs compétences (toute réponse convient) sans que personne puisse vérifier ce qu’ils disent.
- Il est crucial de savoir à l’avance ce que l’on peut faire éventuellement avec les résultats du processus, ou quelle décision peut être influencée par les résultats. On n’a pas envie de finir avec de beaux résultats dont personne ne veut ! Cela pourrait également être très néfaste pour la réputation de la participation publique et pour le statut de futurs projets.
- Conduire des projets participatifs implique de savoir ce que l’on veut atteindre avec ce projet. Mais les participants n’ont pas conscience de cet objectif sous-jacent. Si le processus ne marche pas comme vous l’aviez envisagé, il est très tentant d’orienter la discussion vers des résultats « acceptés ».
Solutions possibles
- Citoyens:
- être très clair sur les objectifs et les conséquences
- Experts:
- aider à examiner en détail les réponses des experts
- expliciter les cadres, essayer de trouver un terrain d’entente
- Ouvrir les processus (de décision, de cadrage des problèmes, de définition de l’agenda)
- Organisation
- orienter sur le processus, mais aider à réfléchir au contenu
Certaines solutions possibles peuvent être (naturellement, il y en a d’autres et tout dépend largement du contexte, de la phase du processus, etc.) :
- Toujours se montrer très clair quant aux objectifs, les résultats produits et les conséquences potentielles du projet. Les participants peuvent être sensibilisés à cet aspect sans que cela influence le résultat. Si cela est nécessaire pour le processus, il est très important de pouvoir s’appuyer sur un modérateur conscient et expérimenté.
- En tant qu’animateur, essayez d’aider les participants à examiner en profondeur les réponses données par les experts. Les experts ont aussi leurs intérêts (le plus souvent, cela ne pose pas de problème et c’est pourquoi ils partagent volontiers leurs connaissances) mais, dans certaines situations, ils peuvent taire des informations vitales, des alternatives, etc. Soyez en conscient et apprenez à vos participants à écouter attentivement et à se montrer très critique.
- En ouvrant les processus de décision, de cadrage des problèmes, etc., on peut toucher un plus grand nombre de gens potentiellement importants. Essayez de nouer des liens, de trouver des alliés dans la presse, rendez la moindre étape du processus transparente sur un site Web ou dans un bulletin d’actualités, et faites tous les efforts nécessaires !
- Au lieu de vous orienter sur le contenu, il est préférable de s’orienter sur le processus (qui peut avoir une grande influence également) et d’aider les participants à réfléchir correctement au contenu.
(2) Gestion des attentes
- Pertinence : La démocratie est très précieuse
- Problèmes :
- agendas cachés (toutes personnes impliquées)
- imprévisibilité inhérente des politiques
- processus plus long/plus intense => attentes supérieures
Buts, idées, expériences, attentes existent dans la tête de chaque participant et des organisateurs. Mais tous sont différents ! Pour la plupart des participants, faire partie d’un projet participatif sera une expérience nouvelle, mais il y aura certainement des attentes (bien que très peu en fassent part tout de suite spontanément…). Soyez le plus clair possible dès le début à propos des objectifs du processus participatif.
N’attendez pas des politiciens qu’ils s’intéressent au sujet autant que ce que vous pensiez au début du projet. Le sujet peut revêtir une urgence moindre ou ne pas être aussi contesté qu’auparavant, ou bien l’agenda du politicien est déjà rempli avec des questions plus importantes.
Solutions possibles
- parler à l’avance avec toutes les (autres) parties impliquées
- leur demander ce qu’elles attendent et souhaitent
- leur dire ce que vous attendez et souhaitez
- ne pas faire de promesses que vous ne pourrez pas tenir
- leur faire comprendre que vous êtes seulement un acteur parmi d’autres
- ajuster temps et énergie selon l’impact escompté (paradoxe)
- se préparer à l’inattendu
La plupart du temps, vous organiserez des activités sur des technologies ou des sujets qui intéressent déjà les gens. Ils travaillent en université, dans des laboratoires ou l’industrie, ont certains intérêts, pensent que l’introduction d’une technologie leur facilitera la vie, etc. Dans le réseau de toutes ces personnes, vous serez un seul acteur au milieu d’autres. Et vous-mêmes ne faites que faciliter le processus participatif, pour lequel vous devrez définir et contacter le plus d’autres acteurs possibles.
Plus un projet dure longtemps, plus les attentes sont élevées. Ne prolongez donc pas l’activité sans raison. Cela ne correspondra pas aux attentes et rendra les résultats moins actuels et moins utilisables.
Débutez le projet avec tous les objectifs à l’esprit, mais soyez prêt à l’inattendu. Il n’existe pas de script prédéfini pour les processus conduits avec et par les gens.
(3) Equité et loyauté de la délibération
- Pertinence: seule voie vers une vraie participation
- Problèmes:
- les gens ne sont pas égaux
- connaissances, éducation, capacités de communication, etc.
- asymétrie irréductible entre les gens (pouvoir)
- rationalité limitée (par ex. statistiques)
- temps et énergie limités
- arguments incommensurables
- arguments rhétoriques
Les gens ne sont pas égaux : ils ont des origines différentes. Mais même dans un processus de groupe, tous jouent un rôle différent. Parfois l’asymétrie entre les participants est explicite, parfois elle ne l’est pas ; parfois c’est un problème, parfois non.
Le processus de délibération n’est pas un processus de rationalité constante. Des émotions entrent en jeu, certaines informations sont mal comprises. Les statistiques par exemple peuvent être considérées comme des faits et des chiffres intangibles. Mais elles peuvent néanmoins servir à démontrer des points de vue opposés ou être mal interprétées.
Durant la délibération, de nombreux arguments seront formulés par les participants, acteurs, politiciens, etc. Certains seront incommensurables, ce qui rendra plus difficile la recherche du consensus. Et certains arguments seront rhétoriques et s’avéreront vides.
Solutions possibles
- accepter – et même exploiter – les différences
- protéger les participants seulement si c’est nécessaire
- expliciter les arguments rhétoriques
- travailler en petits sous-groupes
- rendre les choses aussi concret que possible (étude de cas)
- ne pas prendre parti ni choisir son favori
- travailler avec un président indépendant
- ne pas abuser de la bonne volonté des participants
On peut utiliser les différences d’opinion et de mentalité entre les participants pour obtenir le plus de points de vue possible, en leur donnant certains rôles durant le processus, en organisant des petits débats pour rendre les différences explicites, etc. Notamment au début du processus, il est important d’étudier la diversité du groupe.
Les études de cas et/ou les scénarios sont des outils importants pour aborder des questions scientifiques ou techniques difficiles, car ils peuvent rendre plus concret leur possible impact futur.
Assurez-vous qu’en tant qu’organisateur du processus participatif, vous n’êtes pas chargé à la fois de la logistique, du contenu et des rapports et évaluations. C’est impossible. Pour garder du recul et œuvrer dans le sens des objectifs généraux, il est important d’avoir un président indépendant et expérimenté. Le plus souvent, vous êtes vous-même tellement bien informé du sujet qu’il est préférable d’avoir un président indépendant qui a une certaine distance par rapport à la question. De cette façon, il ou elle pourra être surpris par de nouvelles informations apportées par un expert, ou comprendre le besoin d’approfondir tel ou tel aspect.
Rappelez-vous toujours que les participants donnent de leur précieux temps libre pour participer au projet. Ne les trompez pas, rendez les réunions aussi plaisant que possible. N’oubliez pas de prévoir du temps libre, organisez des aliments et des boissons de qualité et en quantité suffisante, choisissez un endroit agréable, etc.
(4) Représentativité
- Pertinence : connaissances des utilisateurs, diversité
- Problèmes :
- qui s’intéresse à ce que pensent dix ou vingt citoyens?
- qui sont les acteurs ? (nouvelles technologies)
- comment les participants sont-ils choisis?
Les personnes extérieures et les observateurs vous demanderont toujours : pensez-vous que ce groupe soit représentatif de notre population/notre pays ? Préparez-vous par conséquent à expliquer comment vous avez choisi les participants. Et réfléchissez bien à l’avance aux conséquences des critères de sélection (nombre, âge, sexe, niveau de formation, diversité géographique, distance par rapport au thème, intérêt pour le thème, etc.). Notamment pour les technologies en cours d’élaboration, il n’est pas facile de savoir quels citoyens pourront en bénéficier. Mais par exemple, si la question porte sur la transplantation d’organes, évitez d’avoir 25 % de participants qui figurent eux-mêmes sur la liste d’attente ou qui ont des parents sur la liste d’attente...
Solutions possibles
- Être franc sur la façon dont vous avez choisi les participants (inclusion/exclusion)
- Souligner l’importance du processus (paradoxe)
- Combiner des méthodes qualitatives et quantitatives:
- pour vérification (« point de départ »)
- pour approfondir la réflexion
Il semble paradoxal de souligner l’importance du processus, mais c’est très important. Le fait que vous remettiez des informations neutres à un groupe de personnes choisies et laissiez ces personnes en discuter d’une façon organisée entre elles et avec divers acteurs ôtera tous les doutes quant à la valeur du résultat. Les conférences de citoyens et tous les types d’ateliers possibles sont des méthodes qualitatives.
Vous pouvez en savoir plus quant à l’opinion générale sur ce sujet en procédant à une enquête quantitative. Elle vous donnera une bonne idée du type des participants au processus par rapport au citoyen « moyen ». De plus, en demandant aux participants de compléter l’enquête avant et après le processus, on sait quelle influence l’information et la délibération ont eu sur leur opinion. Les groupes de réflexion peuvent également être utiles sur ce point, mais ne vous permettent pas de comparer les participants avec la moyenne. Mais ne sous-estimez pas le temps et l’énergie que vous devrez investir dans une bonne enquête ! Cependant, cet effort sera récompensé pendant le processus participatif, car il vous aide réellement à mieux cerner les questions.
Qu’y a-t-il à apprendre?
- La participation nécessite des processus ouverts
- Prenez une décision consciente quant à la relation entre :
- le temps et l’énergie nécessaires et l’impact escompté
- le temps et l’énergie nécessaires et l’autonomie
- Indépendance ne veut pas dire neutralité :
- Rendez les choses explicites, mais ne faites pas de choix
- Vérifiez que vous savez pourquoi la participation est importante !
La participation nécessite des processus ouverts en direction des participants, des experts, des médias, etc. Mais ouvert ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’objectif prédéfini !
Indépendance ne veut pas dire neutralité. Vous pouvez avoir votre propre opinion sur le sujet, et vous pouvez rendre les choses explicites (après tout, organiser un projet de participation du public révèle déjà que c’est un sujet controversé), mais ne faites jamais les choix. Ce choix appartient aux participants, que vous encadrez et animez. Finir avec un document final qui liste toutes vos opinions rend tout le projet désagréable. Demandez-vous donc si vous avez vraiment besoin de mettre en place un projet de participation publique. Sinon : choisissez une méthodologie différente. Il y a toujours une méthode qui répondra à vos besoins !
Il faut croire en la participation pour qu’elle fonctionne.